L'église du Sacré-Coeur de Cholet fut construite avec du ciment destiné au Mur de l'Atlantique !

La construction de l'église du Sacré Cœur a connu maints rebondissements. Édifié à l'économie au fur et à mesure des dons des fidèles, le chantier encore inachevé et non couvert fut menacé d'arrêt entre 1939 et 1941. L'Occupation de l'armée allemande, la dispersion des ouvriers bâtisseurs et la raréfaction des matériaux engendrée par la guerre ne vint pas faciliter la tâche des constructeurs. Retour sur cette période mouvementé d'après les souvenirs manuscrits rédigés par l'abbé Cesbron en 1972.


État du chantier sept mois avant le début de la guerre, 15 février 1939
La guerre de 39-45 a obligé les bâtisseurs de l'église à revoir les plans du chantier. À plusieurs reprises, les matériaux et les décorations prévus initialement ont été modifiés en fonction des opportunités. L'urgence était selon l'expression de Mgr Costes, évêque d'Angers en 1939 de construire "quand même" et "d'achever la tour des cloches" afin que le chantier soit hors d'eau.

Après la défaite de l'armée française, la construction de l'église a été relancée dès le mois de juillet 1940, mais dès l'hiver 1940-41, l'Occupant réquisitionne la production de ciment français en vue d'édifier le Mur de l'Atlantique. Cet évènement vient sérieusement mettre en péril le chantier.

Visite du chantier par l'architecte Laurentin et l'abbé Cesbron lors d'une permission, février 1940.
En février 1941, un certain Maître Perrin, ancien bâtonnier, vint porter son aide à ce problème. Il informa le curé Cesbron qu'il avait réussi à se procurer 5 tonnes de ciment qui arriveraient bientôt sur le chantier. Ce dernier demanda au curé de ne pas poser de questions supplémentaires sur ce fait. Il finit par le rassurer en lui disant que la note était réglée.

Le ciment est livré par camion le 19 mars 1941, jour de la St Joseph. Sur les sacs figurent des inscriptions en allemand et selon les paroles de l'abbé Cesbron "elles expliquaient [...] l'origine de la fourniture, cinq tonnes de ciment soustraites au Mur de l'Atlantique". Chose encore plus étonnante, deux soldats allemands assistèrent au déchargement effectuée par le chef de chantiers Marcel Ménard et ses ouvriers. C'était la première fois qu'on les voyait ici selon le témoignage de l'abbé Cesbron.

Les cinq tonnes de ciment furent vite utilisées, le chantier tel un ogre a englouti ces matériaux en peu de temps. Maître Perrin aida à nouveau à trouver du ciment, en visite auprès du fondeur des cloches, Paccard, installé en zone libre. Il écuma les marchands de matériaux de la région et parvint à acheter vingt tonnes de ciment qu'il fit expédier par train jusqu'à Cholet. Opération risquée car le convoi passé en zone libre pouvait être l'objet d'une réquisition à tout moment.

La plate forme soigneusement bâchée finit par arriver un dimanche en gare de Cholet. Bien camouflée, elle ne sera déchargée que le lendemain en "quatrième vitesse", tout cela à la barbe des Allemands. Cet arrivage inespéré permit d'achever l'église. L'inauguration officielle aura lieu le 26 octobre 1941 soit quatre années après le premier coup de pioche donné le 19 août 1937. Lors de la messe inaugurale, l'église était trop petite pour accueillir la foule venue en nombre. Bancs et chaises furent enlevés afin d'accueillir le plus grand nombre de personnes dans l'édifice.

Les conditions de la construction de l'édifice avec la technique nouvelle du béton armé coulé dans un coffrage de briques expliquent en partie l'état de détérioration rapide de l'église aujourd'hui. De nombreuses fissures sont apparues dans la tour des cloches et menacent l'avenir de ce bâtiment historique.

La première pierre de l'église avait été posée par Monseigneur Costes le 7 novembre 1937.
Rédigé par Mickaël LECLERC le Mardi 9 Avril 2013 à 16:20 | Lu 2095 fois
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