L'Auberge de la Girafe (extrait de « Chambretaud, le temps des souvenirs », 1991)
Pour en retrouver la source, il convient de remonter à l’année 1826 et quitter l’horizon du Bocage vendéen afin de rejoindre les rives de la Méditerranée orientale. Le consul de France au Caire, M. Drovetti, était en ce temps-là en quête d’animaux exotiques destinés au Muséum d’Histoire naturelle. Apprenant que le pacha d’Égypte, Méhémet Ali, venait de recevoir deux girafons d’un seigneur soudanais, il souffla à ce dernier l’idée d’en offrir un exemplaire au roi de France, Charles X. Les relations entre les deux pays avaient pâti d’un conflit en Grèce, où les Ottomans aidés des Égyptiens avaient durement réprimé le soulèvement des populations chrétiennes. L’occasion était ainsi toute trouvée pour renouer avec la France.
Drovetti s’affaira activement pour préparer l’expédition. La girafe encore très jeune reçut la compagnie de trois vaches nourricières qui lui fourniront ses 25 litres de lait quotidiens. On lui adjoignit également deux Soudanais et deux antilopes afin que le dépaysement ne lui pesât pas trop. Le précieux animal embarqua avec tout ce petit monde sur un deux mâts dont le pont avait été percé d’un trou garni de paille, pour que son cou dépassant de la cale ne se blesse pas.
Le navire fit voile sans encombres à travers la Méditerranée jusqu’au port de Marseille qu’il aborda en octobre 1826. Après la quarantaine d’usage, la girafe fut installée dans la cour de la Préfecture afin d’y passer l’hiver. L’hôte du préfet ne passa évidemment pas inaperçu. Toute la bonne société provençale se pressa pour rendre visite à cet animal dont nul représentant n’avait jamais jusqu’alors foulé le sol de France.
En apprenant l’engouement suscité à Marseille par cet événement, Charles X commença à réclamer « sa » girafe. Dépêché sur place pour préparer l’expédition vers Paris – à pied, puisque le transport par voie fluviale avait été exclu –, le zoologue Geoffroy Saint-Hilaire fit confectionner un habit à capuchon frappé aux armes du roi et du pacha d’Égypte, et reforma le cortège des vaches, des deux Soudanais, de l’antilope survivante, sans oublier une escorte de gendarmes. L’insolite caravane quitta Marseille le 20 avril 1827, suivie tout au long du chemin par une foule de badauds qui s’amassaient sur son passage.
Le navire fit voile sans encombres à travers la Méditerranée jusqu’au port de Marseille qu’il aborda en octobre 1826. Après la quarantaine d’usage, la girafe fut installée dans la cour de la Préfecture afin d’y passer l’hiver. L’hôte du préfet ne passa évidemment pas inaperçu. Toute la bonne société provençale se pressa pour rendre visite à cet animal dont nul représentant n’avait jamais jusqu’alors foulé le sol de France.
En apprenant l’engouement suscité à Marseille par cet événement, Charles X commença à réclamer « sa » girafe. Dépêché sur place pour préparer l’expédition vers Paris – à pied, puisque le transport par voie fluviale avait été exclu –, le zoologue Geoffroy Saint-Hilaire fit confectionner un habit à capuchon frappé aux armes du roi et du pacha d’Égypte, et reforma le cortège des vaches, des deux Soudanais, de l’antilope survivante, sans oublier une escorte de gendarmes. L’insolite caravane quitta Marseille le 20 avril 1827, suivie tout au long du chemin par une foule de badauds qui s’amassaient sur son passage.
Le cortège entra à Lyon le 6 juin et fit sensation sur la place Bellecour. Puis il reprit la route vers Paris qu’il atteignit le 30 juin. La girafe gagna aussitôt son nouveau foyer aménagé au Jardin des Plantes, mais le roi réclama sa présence à Saint-Cloud. Cette visite digne d’un chef d’État enthousiasma non seulement la Cour, mais aussi les foules qui se pressaient sur les chemins empruntés par l’animal. Bientôt tout Paris voulut voir cette mystérieuse girafe. En six mois, 600.000 visiteurs s’arrachèrent les billets pour la contempler.
Cet engouement ne tarda pas à enflammer le pays tout entier. Tout le monde se mettait à la mode de la girafe. On la trouvait sur la vaisselle, les chapeaux, les bijoux, etc., jusqu’aux enseignes des auberges qui l’avaient vue passer lors de son périple de Marseille à Paris.
La mode passa – comme toute mode – et la girafe du roi finit paisiblement ses jours dans sa rotonde douillette du Jardin des Plantes. Elle mourut en 1845, à l’âge de 21 ans. Sa dépouille naturalisée quitta la capitale entre les deux guerres mondiales – le Muséum étant alors encombré des nombreuses girafes qui avaient suivi cette pionnière – pour s’installer au Musée de La Rochelle où elle trône aujourd’hui.
Cet engouement ne tarda pas à enflammer le pays tout entier. Tout le monde se mettait à la mode de la girafe. On la trouvait sur la vaisselle, les chapeaux, les bijoux, etc., jusqu’aux enseignes des auberges qui l’avaient vue passer lors de son périple de Marseille à Paris.
La mode passa – comme toute mode – et la girafe du roi finit paisiblement ses jours dans sa rotonde douillette du Jardin des Plantes. Elle mourut en 1845, à l’âge de 21 ans. Sa dépouille naturalisée quitta la capitale entre les deux guerres mondiales – le Muséum étant alors encombré des nombreuses girafes qui avaient suivi cette pionnière – pour s’installer au Musée de La Rochelle où elle trône aujourd’hui.
Mais comment cette girafe s’est-elle donc retrouvée sur l’enseigne d’une auberge de Chambretaud ? Cette anecdote est contemporaine de l’histoire qui vient d’être racontée. C’est sous la Monarchie de Juillet, qui succéda au règne de Charles X, que furent aménagées les routes stratégiques destinées à quadriller la Vendée suspecte de rébellion à l’égard du nouveau régime. La route de Saumur au Sables-d’Olonne, entièrement empierrée, devint un axe très fréquenté, ce que remarqua judicieusement Jacques Bénéteau, un cultivateur du village de l’Epinay. Ce dernier entreprit par conséquent de construire sur cette route, en 1836, une auberge à laquelle il donna le nom de la Girafe. Le souvenir de « la girafe du roi » était encore vivace.
L’établissement connut un succès on ne peut plus durable, 154 ans ! un siècle et demi, alors qu’on y servait toujours le même menu, des rillettes, du jambon de pays, garni d’omelette ou de mogettes. Réputé à travers toute la Vendée et au-delà, grâce aux touristes toujours plus nombreux à emprunter cette route, « l’Auberge du Jambon de la Girafe » a hélas fermé ses portes le 1er janvier 1990. Son souvenir demeure cependant dans le nom du lieu-dit la Girafe, à Chambretaud.
L’établissement connut un succès on ne peut plus durable, 154 ans ! un siècle et demi, alors qu’on y servait toujours le même menu, des rillettes, du jambon de pays, garni d’omelette ou de mogettes. Réputé à travers toute la Vendée et au-delà, grâce aux touristes toujours plus nombreux à emprunter cette route, « l’Auberge du Jambon de la Girafe » a hélas fermé ses portes le 1er janvier 1990. Son souvenir demeure cependant dans le nom du lieu-dit la Girafe, à Chambretaud.